Depuis une trentaine d’années, de plus en plus de voix se sont élevées, dans le monde politique belge en particulier, pour s’interroger sur la légitimité de ce que l’on nomme, chez nous, des spoliations et, en France, des conquêtes d’œuvres d’art par les troupes révolutionnaires françaises dans ce que l’on appelait alors les pays belgiques et liégeois. De multiples questions parlementaires ont été posées au sein des différents parlements que compte la Belgique actuelle pour réclamer la restitution d’objets, spécialement des tableaux, qui ont été conquis par la République française lors de son invasion de nos territoires en 1794.
Afin de faire le point sur l’histoire de ces saisies révolutionnaires et de démêler le vrai du faux, la secrétaire d’État à la Politique scientifique a demandé, en 2015, à l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA) de lui fournir un rapport historique sur le sujet. Ce rapport, rédigé par Pierre-Yves Kairis, a depuis lors été publié en ligne, à la suggestion du cabinet de la secrétaire d’État : http://www.latribunedelart.com/note-sur-les-tableaux-enleves-a-la-belgique-en-1794-et-restitues-ou-non-en-1815
Cette synthèse a mis en évidence les malentendus qui ont souvent présidé à la question, spécialement en ce qui concerne le statut et la sélection des objets qui ont été emportés par les troupes françaises. C’est pourquoi la secrétaire d’État a demandé à l’IRPA de réaliser en deux ans un inventaire des peintures et des sculptures qui ont été envoyées en France à la Révolution.
C’est le résultat de cette enquête qui est ici présenté sous la forme d’un inventaire scientifique, et non d’une base de revendication. Le travail s’est porté uniquement sur les peintures et les (très rares) sculptures dont on peut attester qu’elles ont été envoyées en France. Cet inventaire a permis de faire justice à maintes légendes urbaines sur les spoliations, démontrant que les prélèvements systématiques, pour le compte de l’État, de peintures et de sculptures n’étaient pas antérieurs à la seconde invasion française, consécutive à la bataille de Fleurus du 26 juin 1794. Se fondant sur les instructions de ce grand connaisseur de la peinture baroque flamande qu’était le marchand Jean-Baptiste-Pierre Lebrun, inspirées de la description des plus fameuses églises des Pays-Bas publiée par Jean-Baptiste Descamps en 1769, les trois agences d’extraction qui furent actives dans nos régions exercèrent leur mandat en un temps record : les sept envois de Belgique à Paris s’échelonnent à peine de septembre 1794 à février 1795 et rarissimes ont été les objets envoyés ultérieurement. Le contenu de ces sept envois est bien connu grâce aux procès-verbaux rédigés au Louvre par Jean-Baptiste-Pierre Lebrun, généralement associé à Athanase Lavallée, secrétaire général du Muséum central des Arts. Ce sont les inventaires de ces sept envois qui constituent l’épine dorsale du répertoire en ligne ici proposé. Ces inventaires, issus des Archives des Musées nationaux et aujourd’hui conservés aux Archives nationales de France à Pierrefitte-sur-Seine, avaient déjà été transcrits par Gilberte Émile-Mâle dans un ouvrage fondamental sur le sujet : Inventaires et restauration au Louvre de tableaux conquis en Belgique. Septembre 1794-février 1795, Bruxelles, 1994.
Les inventaires « Lebrun » ont été dressés juste après l’arrivée des tableaux au Louvre. Ce sont les seuls qui fassent foi concernant les tableaux et les rares sculptures acheminés avec certitude de « Belgique » en France. De nombreuses confusions émaillent en effet les écrits sur le sujet, et ce dès la chute de l’Empire. Diverses œuvres d’art initialement destinées au Muséum de Paris n’y ont, en réalité, jamais été envoyées. D’autres ont été prélevées dans la foulée en prévision des muséums locaux qu’on envisageait de créer dans les nouveaux départements. Très vite, les confusions ont été nombreuses et on a attribué aux Français bien plus de prélèvements qu’ils n’en ont réellement effectués.
La publication de Gilberte Émile-Mâle a été à la base de tout le travail mené à l’IRPA. Il fut particulièrement enrichissant de la comparer avec les listes d’œuvres spoliées en Belgique qui avaient été publiées dans le principal ouvrage de synthèse sur le sujet : Charles Piot, Rapport à Mr. le Ministre de l’Intérieur sur les tableaux enlevés à la Belgique en 1794 et restitués en 1815, Bruxelles, 1883. Cette comparaison montre que les œuvres dont on peut assurer qu’elles ont effectivement été expédiées en France sont bien moins nombreuses qu’on l’estimait jusqu’à présent, les sources compilées par Piot n’étant pas toujours crédibles.
Cet inventaire se présente ici sous la forme de cinq types de documents mis en ligne :
Catalogue des notices (databank)
Les notices intégrées dans BALaT portent un numéro (de 1 à 173) défini selon l’ordre des objets repris dans les inventaires Lebrun de réception à Paris des œuvres provenant de Belgique. Une numérotation continue a été créée pour la totalité des œuvres inventoriées selon l’ordre des sept envois réceptionnés au Louvre. Des numéros ont été ajoutés à la fin (174 ss) pour les œuvres dont on est certain qu’elles ont été expédiées à en France, même si elles ne figurent pas dans les procès-verbaux dressés par Lebrun.
Les notices, signées, sont présentées selon les standards du genre : fiche d’identité, photo (s’il n’existe pas de cliché dans BALaT), historique, références d’archives, références bibliographiques abrégées, commentaires avec notes éventuelles. Des liens html ont été créés pour tous les objets repris dans la base de données BALaT du patrimoine culturel de la Belgique.
Un code d’identification a été établi pour les notices selon les normes suivantes :
◊ Œuvre retournée en Belgique, dans l’établissement dont elle provenait.
∆ Œuvre retournée en Belgique, mais pas dans l'établissement dont elle provenait.
○ Œuvre conservée au Musée du Louvre.
□ Œuvre conservée dans un musée français de province.
∞ Œuvre conservée dans une église française.
• Autre.
Table de concordance
Un index reprend, selon une numérotation continue, la liste des œuvres dénombrées par Lebrun dans ses sept inventaires avec le renvoi aux numéros des objets de la banque de données BALaT.
Attention, la numérotation affichée dans le catalogue BALAT ne correspond pas à celle de l’index, qui apparaît seulement dans les notices en pdf liées aux notices de BALAT. La numérotation dans BALAT relève uniquement de l’ordre aléatoire dans lequel les objets ont été jadis encodés dans la banque de données des photos de l’IRPA.
Bibliographie
Les références abrégées dans les notices renvoient à la bibliographie générale, organisée chronologiquement.
Tableaux Excel Émile-Mâle / Piot
Les données que Gilberte Émile-Mâle a publiées en 1994 en lien avec les sept envois à Paris d’œuvres d’art « de Belgique » ont été, dès le début du projet, structurées en sept tableaux Excel par Beatrijs Wolters van der Wey. Dans un second onglet, ces données ont été ensuite complétées autant que possible, par œuvre d’art, avec les informations disponibles dans la publication de Charles Piot de 1883. Ici et là ont été ajoutés des éléments - données, réflexions, commentaires – apparus au fur et à mesure au cours des premiers mois du projet ; ceux-ci ont été indiqués entre crochets : [...]. Les tableaux constituent donc un outil utile en appui à la recherche.
L'importation de données a pris fin en décembre 2016. Des résultats plus récents, jusqu'en mai 2018, ne figurent plus dans les tableaux Excel, mais seulement dans les notices du catalogue. En résumé, les tableaux Excel reprennent le matériel de base, tandis que les informations les plus récentes et les plus complètes se retrouvent dans les notes de catalogue.
Photographies des dossiers des Archives nationales de France
Il est apparu utile de proposer aux lecteurs ce matériel brut parfois peu ou mal exploité. Il permettra à ceux-ci d’effectuer les vérifications requises. Ces documents comprennent des listes parfois contradictoires et doivent donc être interprétés avec discernement.
Les Archives des Musées nationaux ayant été récemment transférées aux Archives nationales de France sur le nouveau site de Pierrefitte-sur-Seine, les dossiers ont reçu à cette occasion une nouvelle cote. Afin d’établir le lien avec les publications antérieures, nous avons choisi de maintenir, dans les notices, le renvoi aux Archives de Musées nationaux selon l’ancienne cotation. Voici la table de concordance :
Séries |
Ancienne cotation |
Nouvelle cotation |
BB |
|
20150157 |
DD |
|
20150162 |
|
20150162/11 |
|
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20150162/12 |
|
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20150162/17 |
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20150162/18 |
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20150162/53 |
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20150162/56 |
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20150162/57 |
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MM |
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20150539 |
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20150539/1 à 2 |
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P |
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20144790 |
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20144790/17 |
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20144790/91 |
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Z |
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20150044 |
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20150044/52 |
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20150044/95 |
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O/3 |
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F/17 |
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Quelques remarques ponctuelles :
Ont participé à la rédaction des notices, sous la direction de Pierre-Yves Kairis :
Aude Briau
Alexandre Dimov
Hélène Dubois
Nathalie Fraquet
Wendy Frère
Arnout Janssens
Pierre-Yves Kairis
Didier Martens
Lieneke Nijkamp
Famke Peters
Laurent Van Elverdinghe
Beatrijs Wolters van der Wey
Coordination rédactionnelle : Alexandre Dimov.
Ce travail a été réalisé en partenariat avec le Centrum Rubenianum d’Anvers et du Groupe d’étude du dix-huitième siècle et des révolutions de l’Université de Liège.
Avec l’appui de la Politique scientifique fédérale et du Fonds Baillet Latour.